13e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Un graduat un marketing n'aurait vraisemblablement pas fait de tort à Jésus. C'est vrai cela lui aurait pris ses trois années de ministère, mais quand même. Embaucher les gens en les décourageant à ce point, c'est presque tout mettre en place pour que le projet rate dès le départ. S'était-il lever du pied gauche ce matin-là ? Ne voulait-il comme disciples que ce que les anglais appellent « la crème de la crème », un Dieu élitiste ? Beaucoup de questions à partir de notre évangile. Je nous propose alors de passer en revue les trois rebuffades de ce jour et de voir si elles sont encore d'actualité pour nous ce soir (matin).

« Le Fils de l'homme n'a pas d'endroit où reposer sa tête ». Une première exigence de vie nous est proposée, celle de ne pas nous installer, nous enfermer non dans le confort mais dans l'hyperconfort. C'est-à-dire de ne pas succomber à toutes les tentations offertes comme si elles étaient la raison même de la vie. Elles sont là, mais sont des moyens et non des fins en soi. Elles sont des moyens que nous nous donnons pour que la rencontre puisse se vivre. Avec de tels mots, le Christ met des exigences à ce point élevées que nous ne pourrons jamais lui reprocher de nous avoir trompé sur la marchandise. Faire vivre le Royaume de Dieu, en être membre, ce n'est pas rien puisque, comme saint Paul, le rappelle, c'est tout simplement, tout difficilement ce commandement « tu aimeras ton prochain ». Et pourtant télévision et journaux par la publicité nous montrent tant de choses, souvent superflues que nous avons envie d'acquérir pour notre propre confort. Celles-ci nous éloignent de la valeur de l'amour et dès lors rend notre vie à la suite du Christ plus difficile encore. Par ces mots, Jésus nous rappelle que l'essentiel est ailleurs que dans le matériel. Il est en nous, il est nous, comme le rappelle l'enfant de la deuxième lecture.

Vient alors la seconde rebuffade : « laisse les morts enterrer leurs morts ». Nous pourrions trouver ici, un Jésus contradictoire, sans coeur, ne permettant pas à un homme de vivre pleinement son deuil. J'aime assez l'interprétation qu'en donne William Barclay, théologien anglais qui raconte l'histoire suivante. Il y a quelques années, un fonctionnaire anglais vivant au Moyen Orient proposa à un jeune arabe très brillant une bourse pour aller étudier à Oxford (ou à « the other place », endroit qu'un Oxonien refuse de nommer). Celui-ci répondit évidemment « j'accepte volontiers votre offre mais laissez-moi d'abord enterrer mon père ». Normal, me direz-vous. Voilà un bon fils. Pas tout à fait, parce qu'à cette époque, le père du jeune arabe avait juste 40 ans et se portait à merveille. Ce fils, comme sans doute celui de l'évangile, avait peur de quitter ce qu'il connaissait pour se lancer dans l'inconnu. Cette phrase du Christ pourrait alors être comprise comme une invitation à plonger dans la vie au lieu d'aller rejoindre celles et ceux qui se contentent de la non-vie ou d'un vivotement. Comme il l'a dit ailleurs, chez Jean, « je suis venu, pour que vous ayez la vie en abondance ». Nous suivons le Christ lorsque nous cherchons tout ce qui favorise la vraie vie, celle qui fait grandir et qui nous épanouit.

Venons-en alors à la troisième rebuffade : « je te suivrai, mais laisse-moi, d'abord faire mes adieux ». Que de fois dans nos vies, ne remettons-nous pas au lendemain, ce que nous pourrions déjà faire aujourd'hui. Le problème, c'est que lorsque nous ratons une occasion, celle-ci s'offre rarement à nous de nouveau. Nous sommes passés à côté à force de lanterner, d'hésiter, comme si nous étions restés dans l'émotion sans être capable de passer à l'action. Si vous connaissez un peu la culture de la bande dessinée, le personnage qui illustre mieux ce comportement dénoncé par le Christ, c'est Gaston Lagaffe qui lorsqu'il range le courrier urgent fait des piles sur son bureau. La pile d'aujourd'hui pousse celle d'hier qui pousse celle d'avant hier etc. pour toutes aboutir dans la poubelle placée à côté du bureau. A force d'attendre, on ne fait rien. Et Jésus nous demande d'agir dès le moment où l'occasion nous est donnée et de ne pas nous enfermer dans un « lendemain à faire » qui ne viendra jamais.

Trois rébuffades pour un seul message : l'essentiel est en nous pour plonger dans la vie et aller toujours de l'avant, sans attendre. Comme si Jésus, en forme de clin d'oeil avant ce temps de vacances nous disait à chacune et chacun : à bon entendeur, salut. Amen.