30e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

La parabole de l'évangile met en opposition deux prières : celle du pharisien, qui se dit juste, et celle du publicain, qui s'avoue pécheur. Contrairement à ce que nous pourrions penser, c'est celle du publicain qui fut exaucée. Les pharisiens sont pourtant les héritiers de juifs courageux, qui ont animé l'héroïque résistance durant la persécution païenne au temps des Maccabées, deux siècles avant le Christ ! Au temps de Jésus, ils représentent sans conteste ce qu'Israël compte de plus pur et de plus noble et cette fidélité aux traditions des anciens leur vaut la faveur et l'estime de beaucoup.

Les publicains, au contraire, sont l'image de la déchéance morale et de l'impureté religieuse. Chargés de percevoir taxes et impôts, ils devaient verser d'avance au fisc une somme déterminée, qu'ils avaient ensuite à récupérer, augmentée bien sûr d'un intérêt personnel laissé à leur libre appréciation, en extorquant le plus possible le malheureux contribuable. Ces percepteurs étaient directement au service de l'occupant romain.

Les premiers chrétiens, juifs convertis pour la plupart, se sont montrés sévères à l'égard des pharisiens, les plus religieux de leurs compatriotes. Certes, Jésus les a traité d'hypocrites, mais à ses yeux le pharisaïsme n'est pas seulement l'hypocrisie, c'est aussi croire que Dieu nous doit quelque chose. Or Jésus nous révèle un Dieu tout autre, un Dieu qui ne veut pas compter, mais qui donne en abondance, qui se donne et pardonne en toute gratuité. Jésus reproche donc aux pharisiens leur sûreté, leur prétention à acquérir le salut à coup de bonnes ½uvres, comme si. Dieu serait obligé de le leur donner. Mais Dieu est celui qui donne le Salut gratuitement et ce Salut de Dieu se reçoit. Il ne peut jamais être exigé comme prix de vertus.

L'évangéliste termine la parabole par une sentence de Jésus : « Qui s'élève, sera abaissé ; qui s'abaisse, sera élevé » Ce n'est pas qu'un bon conseil. Mais cela évoque une révélation sur Dieu, celle qui est présnetée dans le « magnificat ». Dieu est celui qui abaisse les puissants, c'est-à-dire ceux qui trouvent leur soutien dans leurs seules richesses ; il élève les humbles, ceux qui attendent tout de lui.

Peut-être avons-nous à réformer quelque peu notre conception de la vie chrétienne ? Autrefois, nos éducateurs nous invitaient à accomplir les petits sacrifices, à multiplier nos bonnes actions, à chercher à gagner des indulgences, tout cela en vue de mériter le ciel ! L'histoire racontée ici par Jésus est en réalité une mise en garde contre un danger subtil qui guette sans cesse le croyant : croire que le salut s'obtient par ses propres forces. A la limite, on n'aurait plus besoin de Dieu. On pourrait même être tenté de croire que, selon la justice, le Seigneur est tenu de récompenser toutes les bonnes actions accomplies. Or la valeur du chrétien ne se mesure pas au nombre d'exercices de piété ou de bonnes ½uvres. Le disciple de Jésus n'est pas nécessairement celui qui en fait le plus. L'important, c'est la qualité intérieure commandant les actions. L'important aux yeux du Christ, c'est l'amour que chacun y met. Le croyant n'a donc pas à se glorifier de sa foi, ni ses ½uvres : cela lui vient d'ailleurs. Il doit simplement reconnaître les dons reçus de Dieu et l'en remercier.

Ainsi la parabole du pharisien et du publicain nous dit que le croyant n'est pas celui qui se fait « juste », mais plutôt qu'il est « justifié par Dieu ». Si la foi pousse le croyant à plus de générosité, c'est encore une grâce et non pas un mérite. Les bonnes actions ne nous donnent pas un ticket pour le ciel. Le Salut est toujours accordé gratuitement et librement par Dieu. Cette attitude d'humble réception des dons divins n'est pas seulement un comportement individuel, elle est aussi affaire de communauté, qui concerne l'ensemble des croyants : l'Eglise. Et pour vous le montrer, je traduirais volontiers la parabole en termes plus actuelactuels : Dans l'église du village, il y avait deux hommes en prière. L'un était tout en haut, près du ch½ur, sur une chaise de velours rembourrée comme autrefois. Revêtu de beaux vêtements, comme habillé de ses vertus. Un saint homme. Il représente ainsi une Eglise, qui entend occuper le devant de la scène, qui seule possède la vérité, qui ne peut se tromper et qui fait la leçon à tout le monde. Elle entend être écoutée, respectée et admirée. Ce qui est important pour l'Eglise c'est d'être reconnu et récompensé à sa juste valeur.

L'autre était au fond, près du bénitier. Tout gêné, il se faisait tout petit. On le savait pécheur. Il le savait aussi. Derrière lui, il y a la foule de ceux qui n'entrent même plus dans l'église du village, parce qu'on les a refoulés car ils n'étaient pas en règle avec la loi. Il y a la foule de tous ceux qui ont encore tant d'autres choses à se faire pardonner.

En regardant cet homme, à genoux dans l'ombre du Temple, cela me fait penser à un autre. Celui-là, je l'ai vu marcher dans une rue de Jérusalem. Il avançait, comme tout le monde, sans fierté, ni gloire. Ses vêtements étaient déchirés. Il traînait derrière lui une lourde croix. Sur cette route, il s'est cogné aux pavés, il a trébuché, il est tombé. Il n'est donc pas étonnant qu'à cause de cela, il s'est pris d'amour pour tous ceux qui, comme lui, ont aujourd'hui les pieds écorchés ou traînent la jambe !