Assomption de la Vierge Marie 

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 1997-1998

Faisant l'éloge de Marie, Elisabeth s'est écriée, pleine d'admiration : « Heureuse celle qui a cru ! » A sa suite, tous les chrétiens, au cours des siècles, ont repris sans cesse cet éloge pour célébrer la mère de Jésus. L'Eglise lui a donné tous les noms, en de longues litanies, à commencer par le beau titre de « mère de Dieu ». Mais encore « reine du ciel, reine des anges, refuge des pécheurs, consolatrice des affligés, secours des chrétiens, mère des pauvres, reine de la paix, vierge immaculée ». Nous lui avons dédié de nombreux sanctuaires et parmi les plus beaux : les cathédrales de Chartres, de Paris, de Reims, et d'autres lieux..., mais aussi beaucoup d'humbles chapelles, dans les villages, les campagnes, les montagnes et jusqu'aux coins des rues de nos villes. Nous l'avons aussi vénérée, sous des vocables les plus variés : Notre-Dame de France, Notre-Dame d'ici, Notre-Dame de là-bas... Nous l'avons installée sur des trônes, habillant ses statues avec des vêtements cousus d'or. Nous les avons couronnées. A tel point que, parfois, on avait l'impression qu'elle éclipsait son fils. Ce que nos frères séparés, les protestants, nous ont reproché. Et l'homme moderne, scientifique, technique, préoccupé d'efficacité et de rendement, a pu aussi se demander ce que cette dévotion voulait bien dire.

« Heureuse celle qui a cru à l'accomplissement des paroles du Seigneur » chantait Elisabeth. Et voici qu'en réponse, Marie chantait les paroles du Seigneur. « Il disperse les superbes, renverse les puissants de leur trône et élève les humbles. Il comble de biens les affamés et renvoie les riches les mains vides. » Dans son action de grâces et sa louange, Marie s'inspirait d'un cantique prophétique de la Bible. Celui de Anne, remerciant Dieu de mettre fin à sa honte de femme stérile et d'effacer son opprobre, en lui donnant de mettre au monde un enfant qu'elle consacrera au Seigneur. Celui qui sera plus tard le prophète Samuel. Anne chantait : « Le Seigneur fait descendre aux enfers et en ramène ; il appauvrit et enrichit, il abaisse et encore il relève. De la poussière il retire le faible, du fumier il relève le pauvre pour l'asseoir au rang des princes et lui assigner un trône de gloire. »

Devenue par l'Esprit-Saint la Mère du Sauveur, Marie chante le Seigneur, qui triomphe dans la faiblesse, élevant les humbles et abaissant les orgueilleux. Comme si elle voulait détourner les regards de sa propre personne pour les tourner vers Dieu. « Le Puissant qui fait merveille. Celui dont le nom est Saint ». Comme si elle voulait détourner les regards de sa propre personne pour les tourner en même temps vers les hommes et les femmes de son temps. Vers les petits, les pauvres, les malades, les pécheurs que l'avènement du Règne de Dieu va bientôt relever et remettre debout. Mais aussi vers les riches, les bien-pensants, vers ceux qui se croyaient justes et méprisaient les autres, et qui ne pourront donc entrer dans ce Royaume de Dieu.

« Heureuse celle qui a cru » chantait Elisabeth. « Merveilles du Seigneur » lui répondait Marie. Et depuis ce jour-là l'Esprit du Seigneur pousserait ceux qui croient, à temps et à contretemps, à comprendre et à admettre que ce chant sonnerait faux s'il ne s'accompagnait pas d'une mise en action pour élever les humbles, disperser les superbes, renverser les puissants, nourrir les affamés, appauvrir les riches et apporter ainsi les merveilles du Seigneur aux hommes de leur temps. Il serait donc vain de chanter aujourd'hui « Magnificat », si nous ne nous efforcions pas à vivre l'Evangile de Jésus et de créer autour de nous un climat tout autre.

« Apporter les merveilles du Seigneur ! Elever les humbles, disperser les superbes, renverser les puissants, combler de biens les affamés, renvoyer les riches les mains vides. » Cela demande de notre part un changement total de nos mentalités.

« Disperser les superbes »Nous qui sommes chrétiens, dévots de la Vierge Marie, souvent nous nous croyons justes et fidèles. Il nous arrive parfois de mépriser ou simplement de plaindre les autres qui ne sont pas en règle avec la morale, les lois civiles ou de l'Eglise ou simplement qui suivent un autre chemin. Nous oublions trop souvent que notre Dieu est plein de miséricorde et de compassion pour tous ceux qui souffrent et pour les pécheurs. Dieu pardonne toujours et à tous. Qui sommes-nous donc pour juger parfois plus sévèrement que lui ?

« Renverser les puissants de leurs trônes » C'est considérer les gens qui nous entourent, non en raison de préjugés favorables ou défavorables, non en raison de leurs avoirs, de leurs grands biens, de leur argent ou de leurs richesses, non en raison de leurs puissances ou de leurs passe-droits, mais bien plus en raison de leurs qualités d'être, de leurs richesses humaines. C'est donc avoir un respect pour tout homme. Quel qu'il soit. C'est aussi respecter le pauvre et le petit, la femme, l'étranger, le sans papier, le SDF, parce que chacun est d'abord et avant tout un être humain, comme les autres humains. Trop souvent encore dans notre société moderne, nous n'accordons notre attention et notre considération qu'à ceux qui ont « réussi », qui ont beaucoup d'argent, beaucoup de pouvoir, ou qui sont des « battants », capables de faire leur chemin seul, au besoin en écrasant les autres. « Combler de biens les affamés et renvoyer les riches les mains vides. ».C'est encore et toujours apprendre à partager nos biens avec ceux qui ont moins, sans considérer que les immenses populations qui souffrent aujourd'hui de la faim et des épidémies de toutes sortes, soient composées de gens arriérés, paresseux, culturellement inférieurs et incapables de s'en sortir. C'est donc contester un ordre mondial économique établi, profondément injuste, et contribuer, dans toute la mesure du possible, à l'établissement de plus de justice entre les peuples de la terre et encourager tous les efforts vers le développement et la paix.

Il nous faut donc écouter attentivement cette Parole de Dieu, à laquelle Marie a cru de toute son âme et qu'elle a proclamé dans son cantique d'action de grâces. Si nous mettons cette Parole du Seigneur en pratique, alors, mais à cette seule condition, nous pourrons en toute sincérité chanter avec la Vierge Marie : « Le Seigneur, fit pour nous des merveilles. Saint est son nom. Il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères en faveur de son peuple à jamais.