29ème dimanche ordinaire

Auteur: Laurent Mathelot
Date de rédaction: 16/10/22
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2021-2022

La spiritualité est un sport de combat, en tous cas une épreuve d’endurance. Chrétiens, c’est notre corps et notre esprit que nous devons entraîner au beau combat de l’amour. Et ce n’est pas forcément de tout repos.

Ce n’est pas toujours facile d’entraîner notre esprit vers l’espérance et la joie ; encore moins facile parfois d’y entraîner le cœur et le corps. Ce n’est pas facile de maintenir la persévérance ; ce n’est pas facile de ne jamais baisser les bras.

Vous le savez sans doute, c’est de la première lecture, celle que nous venons de faire du Livre de l’Exode, que vient cette expression : « Baisser les bras ». Reprenons le texte. Israël marche dans le désert, en route vers la Terre promise, et les Amalécites les attaquent par surprise. Historiquement c’est un peuple du Sinaï, qui tire son nom de son dieu Amalec ; mais surtout, dans la Bible, ce sont les ennemis jurés du peuple d’Israël. Spirituellement, les Amalécites représentent ici l’ennemi intime qui nous agresse.

Israël part donc au combat. Au delà de la question historique – y a-t-il réellement eu un combat entre les Amalécites et le Peuple hébreux dont on n’a, par ailleurs, aucune trace ? – c’est Moïse qui mène le combat : il est avant tout religieux et spirituel. Quand Moïse tient les mains levées, Israël est le plus fort, quand Moïse baisse les bras, c’est Amalec qui prend le dessus. Clairement, les bras levés font référence au geste du prêtre, ou de celui qui prie, les bras levés vers Dieu. On en tire un premier enseignement : tout combat est avant tout spirituel, même s’il dépend de la maîtrise du corps.

Les bras levés vers Dieu sont le signe de l’orientation de notre cœur et c’est la faiblesse de notre corps qui témoigne en premier de notre découragement. Voilà le sens de l’expression « baisser les bras ». A peine nos combats cessent-ils d’être soutenus par l’espérance, à peine avons-nous le sentiment qu’ils ne sont pas soutenus par Dieu, que nos corps flanchent, signe que notre esprit flanche aussi.

La spiritualité est un sport de combat ; car tout combat est avant tout spirituel – les sportifs vous le diront. En ce sens, la prière, tels les bras levés qu’invoque le texte, est un entraînement aux combats spirituels que nous aurons à mener, à commencer par la lutte contre le découragement.

Spirituellement, il est important de se rendre compte quand nous baissons les bras, quand charnellement nous flanchons. Et c’est le deuxième enseignement de ce texte : il y a ceux qui nous entourent, qui nous soutiennent alors que nous baissons les bras. Le combat spirituel est avant tout un sport d’équipe. Aaron et Hour, le frère et le neveu de Moïse viennent lui soutenir les mains ; justement l’aident à ne pas baisser les bras. Le combat spirituel est avant tout un sport d’équipe : d’abord une équipée personnelle avec Dieu, ensuite une équipée humaine et solidaire. On retrouve ici les deux aspects du commandement d’aimer : Dieu et son prochain.

Et puis, tous ensemble, nous avons conclu dans un très bel enthousiasme « Et Josué triompha des Amalécites au fil de l’épée. – Parole du Seigneur. » ... Ce fut un bain de sang ; gloire à Dieu ! Je force un peu le trait mais à la lumière du commandement d’aimer aussi nos ennemis que nous a donné le Christ, ceci peut tout-de-même nous choquer. Ne sommes-nous pas, nous aussi, ici, en train de justifier toutes les guerres saintes et les massacres au nom de Dieu ? C’est vite fait, par une lecture un peu trop littérale, de détourner un texte de son propos …

Mais il ne faudrait pas non plus que notre soif d’amour et de paix nous aveugle sur la nature parfois dure des combats spirituels qu’il faut mener. Je l’ai dit, Amalec c’est l’ennemi intime par excellence, l’ennemi viscéral, l’ennemi qui nous touche au cœur : méchancetés, humiliations, mépris, agressions, violences, volonté de souillure, de détruire l’amour, d’intimement tuer : voilà Amalec. C’est spirituellement qu’il nous faut passer au fil de l’épée ces sentiments de haine qui nous assaillent, un par un. Et ce n’est pas toujours facile de lutter contre les assauts d’un ennemi intime, d’un esprit mauvais qui nous touche au cœur. Ne négligeons pas, la violence de certains combats spirituels, et de certaines blessures affectives en nous.

Et ne présumons pas non plus de nos propres forces. Dieu est là qui nous aide et la communauté est là qui nous soutient : essentiellement dans l’Eucharistie qui nous restaure ; ou dans la Réconciliation quand nous flanchons. Mener un combat spirituel c’est aussi se laisser aider, soutenir et accompagner. C’est peut-être d’ailleurs le premier grand combat spirituel à mener, contre notre propre volonté de nous en sortir seuls face à un combat intime ; fermant de plus en plus la porte de notre cœur, d’abord aux autres et puis à Dieu. Quand jamais, à aucun ami, nos souffrances ne peuvent être partagées, alors c’est l’Enfer.

Au contraire d’une volonté farouche de nous en sortir seuls, et donc de nous enfermer, face au combat spirituel, le Christ nous présente la volonté farouche d’une veuve à demander justice.

A l’époque, être une veuve, un orphelin, c’est la pauvreté assurée. Non seulement la pauvreté matérielle – ce sont alors essentiellement les hommes qui gagnent de l’argent – mais aussi la pauvreté sociale, dans une culture qui ne s’adresse pas aux femmes seules en rue. Seule la charité, souvent de proches, permet alors aux veuves et aux orphelins de vivre. Dans la Bible, une veuve est toujours synonyme d’extrême dénuement, de solitude et de détresse. Survivre seule, mener seule le combat pour la vie : voilà la vie des veuves en ce temps-là.

Ceci fait écho à notre propre solitude dans le combat spirituel. On se sent parfois bien seul à mener certains combats personnels, à lutter simplement pour survivre – physiquement, spirituellement, amoureusement. La veuve que Jésus présente dans la parabole ne s’enferme pas dans sa solitude. Bien que méprisée, elle s’acharne à demander justice – quand bien même le juge ne serait pas intègre. Alors donc, pensez Dieu !

Elle ne baisse pas les bras la veuve de la parabole. Elle ne se lasse pas de demander de l’aide, elle qui est démunie de tout, et même d’espérer la justice par celui qui est corrompu. Et c’est le troisième enseignement des lectures d’aujourd’hui : la ténacité à réclamer l’aide et la justice de Dieu.

Ne restez pas seuls face à certains combats spirituels et affectifs. Ce qui nous appartient de faire seuls, c’est de maintenir notre volonté de justice, d’intégrité. Mais pas plus. Même Moïse a eu besoin de l’aide du prêtre Aaron et de son neveu Hour, pour le soutenir dans le combat spirituel contre l’ennemi intime, littéralement pour ne pas baisser les bras.

Je vous en prie, même pour des combats intimes et personnels, pour des combats amoureux, les combats spirituels, le combat pour que règne la justice et la paix dans notre cœur, n’ayez jamais honte de demander de l’aide : d’abord celle de Dieu, ensuite celle de la communauté et, s’il le faut, celle des sacrements. Ne présumez pas de votre seule force spirituelle, ou charnelle, vous vous enfermeriez dans un isolement mortifère qui vous ferait mener seuls des combats spirituels parfois intenses, au prix d’un corps qui finit toujours par flancher. Alors le risque est grand de sombrer dans le désespoir et d’alourdir son cœur comme la pierre, espérant s’épargner des souffrances qui alors se figent.

Enfin gardez à l’esprit le premier enseignement de ces lectures : la spiritualité chrétienne est un sport de combat. Elle implique tout notre esprit et notre corps, parce qu’elle touche à l’amour qui implique les deux. Elle implique notre volonté, notre ténacité et aussi notre entraînement.

Le Chrétien qui se veut un athlète de l’amour forme son cœur, son corps et son esprit en conséquence. Comme s’entraînent les sportifs, entraînez-vous au beau combat de l’amour, avec pour nourriture l’Eucharistie, pour régularité la méditation et la prière, et pour douche la Confession. Je vous encourage à devenir des marathoniens, des marathoniennes de l’amour de Dieu, c’est exaltant comme sport. Et parfois extrême ...

La spiritualité chrétienne est un sport de combat. A l’intensité de l’amour que nous souhaitons voir triompher par nous, répondra l’intensité du combat qu’il nous faudra mener.

Et nous n’y arriverons jamais seuls ...