4e dimanche de Carême, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Il y a quelque jours, j'ai fait un rêve, un superbe rêve. Un des ces rêves que vous n'êtes pas prêt d'oublier lorsqu'il vous arrive de le rêver. Oh, ce rêve était tout simple et tellement merveilleux. J'ai rêvé que je devenais qui je suis. Oui, aussi étonnant que cela puisse vous paraître, j'ai rêvé que je devenais qui je suis. Rêve difficile à atteindre car il y a tant d'encombrements et de traverses sur le chemin qui me conduit à mon être.

Devenir qui je suis mais n'est-ce pas le rêve de tout être humain ici sur terre. Toutes et tous nous avons des désirs de cette sorte. Mais il n'est pas aisé de nous les avouer surtout dans notre société où nous avons appris à conjuguer le verbe avoir plutôt que celui d'être. Les messages des médias sont assez clairs et vont en ce sens, si vous voulez être heureux, il faut que vous ayez ceci ou cela et votre bonheur sera comblé. Avoir, avoir toujours avoir jusqu'à ne plus pouvoir se passer de posséder, comme si l'épanouissement de ma vie dépendait à ce point de ce que j'ai. Hélas pour nous mais les bonheurs de l'avoir sont toujours éphémères et nous en voulons toujours plus. Et si au lieu d'avoir nous essayons plutôt d'être. Verbe difficile à conjuguer et à vivre tellement il nous engage sur le chemin de nos vies. Pour pouvoir être, il faut oser arrêter la course folle dans laquelle nous nous sommes inscrites. S'arrêter pour prendre le temps de savoir qui nous souhaitons « être » dans notre for intérieur, là où se vit la rencontre entre le divin et l'humain. Devenir qui je suis, voilà ce que Jésus nous propose au milieu de ce carême. Et ça, cela ne dépend que de moi, avec l'aide des autres et du Tout Autre bien entendu mais la décision initiale m'appartient.

Mais pour oser devenir qui je suis je dois moi aussi me désencombrer, me « désaveugler » de tout ce qui m'empêche d'atteindre un tel objectif. Toutes et tous nous sommes appelés à être filles et fils de lumière. Notre destinée s'épanouit dans la réalisation, le bonheur. Comment y arriver, certains prétendent qu'il y a trop de choses sur terre qui tue le bonheur : la cigarette, l'alcool, la télé, l'ordinateur, les jeux, la voiture, le chocolat. Un peu comme si ces choses étaient mauvaises par essence, en elles-mêmes. Je ne le crois pas. Ce qui nous aveugle et nous empêche de devenir c'est l'utilisation excessive de chacun de ces exemples et la liste n'était évidemment pas exhaustive. L'excès en toute chose nous éblouit au point qu'il nous empêche d'avancer. Il n'y a pas lieu de tout supprimer mais de mieux équilibrer pour que l'excès ne soit jamais la conduite de nos vies. Dans cette quête, dans cette conquête de soi, dans ce désaveuglement, il y a lieu de prendre conscience qu'il n'y a pas que les choses qui nous encombrent mais parfois aussi les personnes. Nous sommes parfois trop conscients de ce que l'autre va penser, de ce qu'il ou elle risque d'être déçu par nos choix et nos comportements et nous nous enfermons dans une spirale du non-être. Que résonne en nous, cette phrase de la première lecture qui nous rappelle que Dieu ne s'occupe pas des apparences mais de ce qui se vit au fond de notre coeur. L'autre m'a été donné pour grandir et devenir et non pas pour reculer et diminuer.

Aveugles, nous le sommes un peu toutes et tous sur le chemin du devenir de notre être. Une lumière nous a un jour été offerte, à nous de la suivre si nous le souhaitons. L'aveugle de l'évangile a vu et ce grâce à un peu de salive et de confiance. Voilà les deux ingrédients nécessaire à notre propre désaveuglement. D'abord, la confiance dans cette relation que nous établissons chaque jour un peu plus avec Celui que nous osons nommer Dieu puis avec cette salive éternelle que sont les empreintes du Christ laissés dans les récits évangéliques. Nous avons reçu la Loi, les Prophètes et Dieu qui s'est fait l'un de nous. Puissions-nous au travers de ce qui nous a été donné ouvrir les yeux de notre coeur pour devenir celles et ceux que nous sommes appelés à être.

Amen.

14e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Il y a quelques années, lorsque j'assistais à l'eucharistie dominicale, au moment précis du credo, j'avais l'impression, voire même la prétention de poser un acte politique digne de sens, au nom de cette liberté qui m'était si chère. En effet, quand l'assemblée disait d'une seule voix : je crois en l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique. Moi, dans mon coin, je me taisais. Je refusais de dire une telle phrase, dans un souci d'oecuménisme. Je ne croyais pas en l'Eglise catholique. Et je reconnais que j'étais assez fier de ma prise de position. Moi au moins, je n'étais pas comme un mouton qui disait n'importe quoi. Je réfléchissais. Quelle ne fut pas ma surprise, assistant à une célébration protestante en Angleterre, d'entendre l'assemblée là aussi réciter le credo et cela ne leur posait pas de problème de croire en l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique. J'ai dû à partir de ce jour faire le deuil de mon acte politique courageux dans mon silence. Je découvris que l'adjectif « catholique » du credo ne signifie pas Eglise Catholique avec un C majuscule. « Catholique » est doit être compris dans le sens d'universel. Au moment où le credo a été écrit, il y avait d'ailleurs des Jeux Catholiques, ancêtres des Jeux Olympiques et ils avaient la particularité d'être universels. Depuis ce jour, je n'ai plus de difficulté à dire que je crois en l'Eglise une sainte, catholique c'est-à-dire universelle et apostolique. J'étais donc loin d'être le savant courageux que je pensais être. Et tant mieux.

Il y a en effet un danger, un grand danger à vouloir tout comprendre. Le désir de connaissance nous honore mais je ne crois pas que nous pouvons nous y enfermer. Nous sommes et resterons toujours des chercheurs de Dieu. A force de vouloir tout comprendre, nous risquons de tomber dans le piège de croire que nous savons. Et si nous savons, nous n'avons plus besoin de croire puisque nous avons acquis les certitudes. Or la foi, c'est sans doute passer sa vie à tenter de comprendre ce que nous croyons mais en reconnaissant que ce qui habite au plus profond de notre être est d'abord et toujours un mystère. Un mystère qui ne peut se résoudre uniquement par les clés de notre raison. C'est ce que les tout-petits de l'évangile avaient compris, le mystère de la foi se découvre, se dévoile, se révèle peu à peu, pas à pas dans le temps d'une rencontre, d'une relation. Comme si Jésus nous disait que le mystère de la foi passe aussi par le coeur de l'être humain. Et c'est normal, puisque c'est à cet endroit précis que Dieu vit en nous. C'est parce que le coeur est le coeur de la foi que le Christ conclut ce soir (matin) : « oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau léger ».

Il y a cette vielle histoire qui illustre très bien cette conclusion de Jésus. Un jour, un homme voit un petit enfant qui porte sur son dos un autre enfant qui était estropié. Il avait l'air de peiner sous le poids et avançait lentement. Mais malgré cela, les deux enfants souriaient et semblaient heureux. « C'est un bien lourd fardeau que tu portes sur toi » dit l'homme. « Non monsieur, ce n'est pas un fardeau répondit l'enfant, c'est mon petit frère ». La sagesse de l'enfant, de ce tout-petit laissa notre homme pantois. Dans ses mots à lui, l'enfant nous rappelle que ce peut nous sembler lourd à porter de manière rationnelle et réelle, est souvent léger lorsque c'est vécu dans l'amour. Quand l'amour est au coeur de nos efforts, des défis que nous nous imposons pour grandir, parfois même pour survivre, le fardeau n'est plus fardeau mais expérience de vie. Seuls nous ne sommes pas capables de tout porter. Nous avons besoin les uns des autres c'est-à-dire que nous nous portons les uns les autres. Et ce que le Christ nous invite ce soir (matin) c'est d'accepter de poser en lui les fardeaux qui nous semblent insurmontables. Si ton joug est trop lourd, pose-le en celles et ceux que tu aimes. En le posant dans leur coeur, tu l'offres à Dieu qui le portera dorénavant avec toi. Bonheur ou malheur se posent en Dieu. Si nous le faisons au nom de l'amour, notre fardeau deviendra léger. C'est irrationnel. C'est également de l'ordre du mystère. Et le mystère est le coeur de notre foi au coeur de nous-mêmes.

Amen.

25e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Dianda Jean-Baptiste
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

 

 

Mt 20, 1-16a

Frères et S½urs,

Il y a quelques années, j'ai assisté à un débat houleux sur la manière de réduire de façon drastique le chômage. A l'époque la thèse controversée était la suivante : il faut « partager le travail et le revenu ». Pour le tenant de cette thèse « les richesses mondiales étant limitées, et la population mondiale ne cessant pas de croître, le jour viendra où il sera non seulement nécessaire de redistribuer les richesses mais aussi d'accepter une diminution globale du travail et de s revenus qui l'accompagnent,... » Selon ce prophète, le temps de plein emploi est révolu et avec lui les meilleurs salaires, la véritable révolution planétaire à laquelle nous devons nous préparer c'est le partage de travail c'est-à-dire « travailler moins et avoir plus de temps pour d'autres occupations, et aussi gagner moins d'argent et donc apprendre à moins consommer ». La réaction fut immédiate. Il a été sifflé, copieusement hué car il passait pour l'ennemi du monde ouvrier. Mais depuis les choses ont changé. Aujourd'hui, ce sont les syndicats eux-mêmes qui demandent à rencontrer le patronat et l'Etat pour trouver, en concertation les solutions les moins inhumaines pour le partage de travail.(cfr . tout le débat sur les 35 heures) C'est dire que ce débat reste d'actualité.

L'évangile de ce dimanche semble évoquer, comme en écho, toutes ces situations autour de chômage et emploi par des images et cadre imaginés par Jésus pour décrire le Royaume des cieux.

En effet, cette parabole des ouvriers de la dernière heure semble se situer au temps des vendanges. « Le propriétaire de la vigne prend des ouvriers où il les trouve. Les gens arrivent à toute les heures de la journée. Un contrat s'effectue avec les premiers. » Les suivants sont envoyés au « boulot » avec la garantie d'un salaire juste ; mais sans contrat clair. Avec les derniers, un dialogue s'enclenche avant de les recruter. Eux , non plus , ils ne signent de contrat précis. Ce qui est clair ,c'est que le Seigneur embauche » : « allez ,vous aussi à ma vigne » dit-il !

Comme dans d'autres passages de son évangile, Matthieu partage à nouveau sa principale préoccupation qui est de rassembler. Il s'agit d'embaucher largement, quelle que soit l'heure, pour que la vendange soit réussie. Le coup de théâtre intervient au moment du règlement des salaires : les derniers sont payés les premiers, en plus , la durée de travail n'est pas prise en compte. Le contrat de travail fait avec les ouvriers de la première heure semble être juste, puisque les ouvriers ne rouspètent pas ; dans tous les cas , ce contrat ne comporte pas une clause sur la durée et même sur le volume du travail. Maître donne à chacun la même somme. C'est alors que les problèmes commencent ! Relisons attentivement la réponse du Maître. Il dit trois choses principales :

1. « Je n'ai pas commis d'injustice envers vous ». Il s'agit du respect du contrat, le respect de la parole d'honneur. Nous admettons cette réponse, mais elle ne nous convainc pas. Il y a quelque chose qui peut nous inspirer en Afrique. Quand on voit le nombre impressionnant d'accords signés, mais sans effets, dans le règlement des nombreux conflits armés qui déchirent le continent.

2. « Ne puis-je pas faire de mon bien ce que je veux ? » Très souvent, nous lui refusons cette liberté. Nous exigeons sans le dire tout haut, le salaire d'après prestation. Heureusement les contrats modernes sont plus précis sur le volume de travail pour lequel on s'engage et le temps qu'il faut pour le réaliser.

3. « Vas-tu regarder avec un ½il mauvais parce que moi je suis bon ? » c'est la pointe de cette parabole. Dieu n'a pas agi par caprice mais par bonté. Serons-nous fâchés contre lui parce qu'il est bon ? La parabole veut nous faire comprendre combien, de ce point de vue, nous sommes mesquins et calculateurs. Et pourquoi l'attitude de Dieu fait- elle mal ? Pourquoi concluons-nous que Dieu nous aime moins ,alors que la parabole dit seulement qu'il aime les autres autant que nous ? Tous nos malheurs ne proviendraient-ils pas de ce que nous nous comparons aux autres ? « Ce qui est reproché aux ouvriers de la première heure, c'est leur jalousie et leur jugement du comportement du maître ».

Frères et s½urs,

Nous n'oublions pas qu'il s'agit d'une parabole dans la bouche de Jésus qui veut nous parler du « royaume des cieux » et donc de Dieu. Jésus ne nous parle pas de justice sociale et des conventions collectives. Cette parabole est un moyen, une image pour nous parler de la justice de Dieu, ce maître qui embauche à toute heure et rétribue chacun de la même manière. Ce maître dont la bonté est sans mesure accueille tout le monde chez lui chacun peut y trouver sa part. Ce n'est pas parce qu'on est chrétien depuis longtemps ou parce que l'on est meilleur que Dieu nous aime. Dieu nous aime avant tout ça. Il donne tout son amour à chacun.

Cette parabole se termine par une question adressée à tous, une remise en question de notre mentalité. C'est une provocation à la conversion. Comme le montre le passage du livre d'Isaie (55,6-9) : « riche en miséricorde », Dieu laisse à chacun le temps de se convertir. Il est urgent de mettre ce délai à profit pour « le chercher », « l'invoquer », « revenir » à lui, « abandonner » la voie de la perversion. Ces quatre verbes indiquent qu'il ne suffit pas de prendre de bonnes résolutions . Il faut agir. La foi ne se paie pas de mots : elle doit se traduire également en actes dans la vie de chaque jour, en toutes circonstances :la liturgie de ce week-end exhorte à ne pas l'oublier. Le Seigneur embauche pour un salaire juste, viens découvrir sa bonté !

30e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Est-ce que ? Voilà au moins une question intéressante. Est-ce que je suis beau ? Est-ce que je suis intelligent, agréable, sociable, fidèle, à l'écoute, doté d'un sens de l'humour ? Toute une série de questions qui se bousculent dans mon esprit. Et en ce temps de questionnaire du Conseil Paroissial, je rallonge un peu la liste. Avec une nuance mais qui est de taille. Aux questions de ce jour, je ne vous demande pas d'y répondre, ce n'est pas votre problème. C'est le mien. C'est le nôtre. Toutes et tous, dans notre silence intérieur nous avons à les méditer ces terribles questions. Nous y répondrons tantôt de manière négative, tantôt de manière positive. Et cela importe d'ailleurs assez peu, l'essentiel est de les aimer nos réponses. Ni vous, ni moi ne sommes des êtres parfaits. Nous sommes tout simplement des êtres en devenir. Et en devenir de soi uniquement même s'il passe par le prochain. Le tout que nous sommes est à la fois forces et fragilités. Elles sont en nous, nous collent à la peau et nous façonnent. Elles forment les deux piliers de ce que nous devenons. J'ai à m'aimer dans ce que je suis pour devenir. Parce que si je m'aime, je peux alors aimer l'autre comme il est et lui peut faire de même à mon égard. Avec l'amour, avec l'amitié nous entrons dans la dynamique du cercle, l'un se nourrit de l'autre sans savoir lequel est premier. Mais tous deux doivent s'aimer. Cela nous demande un travail intérieur d'authenticité : être soi, s'accepter, ne pas jouer, vivre des ses fragilités pour accepter celles des autres. D'ailleurs refuser de voir ces dernières, c'est prendre le risque de se sentir agressé par son prochain lorsqu'il ou elle est notre miroir au risque de ne jamais se rencontrer. Ce chemin ne peut se faire que dans la confiance. Mais il faut avant tout s'aimer soi-même, affirmera Aristote dans le livre IX d'Ethique à Nicomaque.. S'aimer soi-même pour véritablement aimer l'autre.

Peut-être que celui qui sait nous aimer, nous accompagne jusqu'au seuil de notre solitude puis reste là, sans faire un pas de plus. Mais alors qu'est-ce que c'est, aimer ? Ce n'est pas s'enfermer dans la même vision, s'étouffer dans la même parole, s'assombrir dans la même histoire. Ce n'est pas remplir un vide, effacer une distance puisque, comme l'écrit Bobin, l'amour est plénitude du manque. Aimer c'est prendre soin de la solitude de l'autre - sans jamais prétendre la combler ni même la connaître. C'est cela t'aimer sans t'envahir, te garder sans te posséder, te dire sans me trahir pour un jour être vraiment moi-même, mais cette fois au plus secret de toi parce que je t'aime. Et chanter à l'autre « Je t'aime » ne coûte rien, seulement l'infini de son être. « Je t'aime », autrement dit, c'est me réjouir que tu sois ce que tu es ; et tout faire pour que tu le deviennes davantage. Car ces trois mots-là nous renvoient au centre de nous-mêmes, là où plus rien n'est à résoudre, là où brûle l'intouchable de l'esprit. L'amour ne révoque donc pas la solitude. Il la parfait. Il lui ouvre tout l'espace pour brûler. L'amour n'est rien de plus que cette brûlure. Léger, limpide : l'amour n'assombrit pas ce qu'il aime. Il ne l'assombrit pas parce qu'il ne cherche pas à le prendre. Il le touche doucement. Il l'effleure tendrement. Il le laisse aller et venir. Toujours à son heure, rarement à la nôtre. L'amour fait alors des miracles. Il transforme les défauts de la personne aimée en qualités. L'amour nous apprend à vivre et à aimer nos différences au rythme de nos humeurs. C'est tellement important de se savoir aimé également dans ses fragilités.

Aimer son prochain comme soi-même, phrase que nous avons entendue depuis notre petite enfance et qui nous semblait une utopie, devient alors quelque chose de possible puisqu'aimer son prochain, dans l'esprit de l'évangile, c'est aller à la rencontre de l'autre jusqu'au seuil de sa solitude, sans l'envahir ni désirer le posséder. C'est lui permettre d'être lui-même, lui offrir l'espace dont il a besoin pour se réaliser, pour devenir. Nous ne sommes pas tant dans l'ordre des sentiments mais plutôt dans celui du respect vécu dans l'authenticité avec soi, avec l'autre, avec le Tout-Autre. Il en va pour le prochain, comme il en va pour nous. C'est la raison pour laquelle nous pouvons chanter que la vie est belle et doit être vécue en toute intensité, en plénitude de sens et d'amitié. Tout est dit dans ces deux commandements. Il ne reste qu'à me taire pour laisser monter en nous la profondeur de l'amour évangélique.

Amen.

4e dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Matthieu ne devait pas être en très grande forme lorsqu'il a commencé à écrire son évangile. En quelques lignes, que de contradictions ! Nous découvrons que Marie avait été accordée en mariage à Joseph. En termes modernes, nous dirions qu'elle est sa fiancée. Au verset suivant, il décide de la répudier, mais pour faire cela, ils devaient être mariés et enfin, un peu plus loin, l'ange lui dit : ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse. Alors fiancée ou épouse ? Pour les esprits contemporains, il y a ici un petit problème dont les conséquences sont importantes pour la compréhension du texte. Tournons-nous vers la culture juive de l'époque. Pour eux, les fiançailles étaient le temps qui commençait au moment où les parents avaient décidé que leurs enfants se marieraient. Vient ensuite le temps du mariage, c'est-à-dire l'année avant le mariage où les jeunes fiancés ratifiaient l'engagement de leurs parents respectifs. Nous sommes sans doute au cours de cette année-là dans le récit de Matthieu. Durant les douze mois précédant la célébration, si le fiancé mourait, la fiancée était appelée « une vierge qui est veuve ». Une séparation équivalait à un divorce. Et le mariage clôturait cette année. Comme nous le voyons, dans la culture juive, il n'y a pas de contradiction dans le texte. Pourtant l'histoire racontée par Matthieu a vraisemblablement dû faire scandale dans le petit village de Nazareth : une fiancée enceinte avant le mariage ! Les commentaires ont dû aller bon train dans les chaumières. Et je crois qu'il y a deux manières de recevoir et de vivre un tel événement aujourd'hui encore. La première est de nous enfermer dans le côté sensationnel et soi-disant scandaleux de l'événement. Nous entrons de la sorte dans le processus de médisance, du ragot qui va alimenter nos conversations. Nous discutons en étant persuadés que nous avons en main tous les éléments pour évaluer la situation, la juger et surtout la condamner. Ce texte nous invite à oser faire un retour sur nous-mêmes : combien de fois dans nos vies n'entrons nous pas dans une telle dynamique, comme si le cancan mondain était quelque chose de vital. Comment se fait-il que médire fait tellement partie de la vie ? Le ragot permet parfois de se sentir mieux que les autres ; il est un moyen de dépasser une certaine jalousie, une occasion de ne pas devoir se remettre en question, un outil pour se rassurer par rapport à ses propres failles, ou encore une façon pour se rencontrer sans se dire et sans être vulnérable. Pourtant, le ragot est quelque chose de lâche et signe de médiocrité humaine. En effet, nous pensons que nous savons. Alors qu'en fait, nous ne savons rien, nous ne connaissons pas tous les tenants et aboutissants de la situation. Dès lors, lorsque nous nous sentons envahir par une telle dynamique, faisons en nous l'exercice d'humilité de reconnaître qu'il nous manque trop d'éléments pour vraiment comprendre. Que l'histoire de Joseph nous rappelle que nous ne comprenons pas tout, qu'il y a souvent de l'exceptionnel qui nous dépasse et qui ne nous regarde pas. Notre bonheur fondé sur le « dire du mal des autres » restera toujours éphémère et se retournera un jour contre soi. Pour nous, Joseph a pris le risque de la condamnation parce que nous susurre-t-il, il y a une autre manière de recevoir l'événement. Une manière qui fait grandir et fait avancer. Sans comprendre, sans avoir la prétention de tout saisir, Joseph dont on sait si peu de choses, nous invite, chacune et chacun dans son for intérieur à faire l'expérience de la confiance. La confiance d'abord en l'autre. Trop d'éléments échappent à notre compréhension pour saisir la grandeur du mystère qu'il vit. Ce que Joseph a vécu est incompréhensible, est de l'ordre de l'indicible mais il a fait confiance, il a bravé la médiocrité humaine pour laisser advenir un mystère, le plus beau mystère de la création : laissez à Dieu le moment d'être avec nous. Par la confiance de Joseph en l'Esprit, Dieu-avec-nous, l'Emmanuel peut se donner et se célébrer. Que Noël que nous fêterons dans quelques jours soit pour nous aussi une occasion de fermer en nous l'espace aux ragots pour vivre à jamais de cette confiance. Les regards que nous nous porterons les uns aux autres se transformeront et deviendront signes de Dieu-avec-nous. Alors notre communauté vivra. C'est pourquoi l'histoire de Joseph, au-delà de son mystère, est école de vie. Amen.

15e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

"Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ?" C'est dans un climat lourd de méfiance et de ruse que fuse cette question du légiste. Car, il ne vient pas pour s'informer mais pour mettre Jésus dans l'embarras.

Déjouant le piège, celui-ci répond par une autre question : "Dans la loi, qu'y a-t-il d'écrit ? Que lis-tu ?". En guise de réponse le docteur de la loi met bout à bout deux textes, séparés dans la Bible, concernant l'un l'amour de Dieu et l'autre celui du prochain.

Le légiste ayant bien répondu, Jésus lui dit : " Fais ainsi et tu vivra." Le verbe aimer et le verbe vivre sont conjugés au futur. Car, pour Jésus, aimer et vivre deviennent synonymes jusque dans l'éternité !

Voulant cependant soigner son image de marque et montrer qu'il est un homme juste, le légiste pose une nouvelle question piège : "Et qui est mon prochain ?". Autrement dit peut-on appeler prochain un étranger au peuple juif ? Mais Jésus ne se laisse pas piéger par cette nouvelle question ; il l'ouvre simplement sur une histoire. Dans cette parabole, il est question de brigands, d'un prêtre, d'un lévite, d'un samaritain, d'un aubergiste. Le seul a ne pas avoir d'appartenance sociale, religieuse ou géographique, c'est l'homme laissé pour mort par les brigands. Mais il sera le seul à rester en scène tout au long de l'histoire. Cet homme descend de Jérusalem vers Jéricho. Entre ces deux villes, le dénivelé est de plus de mille mètres. Sur cette descente l'homme subit violence, dépouillement, aliénation et est laissé pour mort.

Tout se passe comme par hasard. Face au blessé qui encombre le chemin, le prêtre et le lévite vont avoir la même attitude mortelle : "passer à bonne distance". Ces deux familiers du Temple passent outre. Ces deux officiels de la religion tournent le dos à Dieu. Ils n'ont même pas l'excuse de se hâter pour le service divin immédiat ! Pour eux, les commandements, voilà ce qui compte d'abord et avant tout.. La loi c'est la loi. Elle leur interdisait de toucher un mourant sous peine d'impureté. Ainsi donc le prêtre et le lévite virent l'homme allongé sur le bord de la route, mais, avec le conscience de faire leur devoir, détournant le regard, ils changèrent de côté.

Ce sera un samaritain, un métèque détesté, un hérétique, qui va retrouver l'inspiration profonde de la loi et des prophètes. Mieux encore, la prodigalité du samaritain révèle l'excès d'ouverture de ce royaume que Jésus annonce : ouverture qui efface les différences et les antiques méfiances, qui méprise les interdits et les barrières, pour risquer l'amour !

Le samaritain, en voyage, est le seul qui, comme Dieu, a des yeux et des entrailles. Ce qu'il voit, provoque en lui un choc émotionnel, qui le fait agir très concrètement. Plein de compassion, il se fait proche du blessé et trouve les gestes de tendresse qui viennent toucher l'homme au plus profond de la douleur et de la solitude où les brigands l'ont plongé. Son action charitable est d'une efficacité remarquable.

Nous sommes ensuite saisis d'étonnement et d'admiration, devant l'effacement total du samartitain qui n'utilise pas son action généreuse pour accaparer l'autre ou en faire son obligé. Il n'attend même pas de merci. Il sort de la parabole, en gardant le souci du blessé, mais sans lui imposer sa présence, puisqu'il le confie à l'aubergiste. Cette extrême discrétion laisse l'autre libre, car l'amour véritable libère, fait grandir. L'amour vrai accomplit celui qui aime, en même temps qu'il respecte l'autonomie de l'être aimé.

Prodigieux renversement dans la question posé par Jésus au légiste : "lequel des trois est devenu le prochain de l'homme blessé ?". Le prochain n'est plus l'objet mais le sujet de l'amour. L'acte de bonté ne renvoie pas à une émotion passagère, mais à une compassion agissante, qui pousse l'homme "à ne pas se dérober devant celui qui est sa propre chair" selon l'expression même du prophète Isaïe. Si autrefois un homme gisait là, blessé, à moitié mort, sur le bord de la route, aujourd'hui, il n'est plus seul. Dans notre monde actuel, tant d'hommes et de femmes sont aussi sur le bord du chemin, blessés et rejetés par notre société : victimes innocentes de la loi du plus fort, de la guerre, de l'argent ; immigrés qu'on rejette d'une frontière à l'autre, d'un taudis à un autre ; familles déchirées, jeunes mères en détresse, personnes âgées reléguées dans l'oubli. Mais il y a aussi ces petits, ces faibles et ces pécheurs, qu'une parole dite d'autorité par l'Eglise ou qu'un simple regard venu d'un bien-pensant, repoussent et excluent. Tant de laissés pour compte sur le bord de nos routes !

"Va, et toi aussi, fais de même". dit Jésus. Il ne s'agit pas d'un amour universel qui nous ferait aimer tout homme. Cela relèverait de l'utopie et du rêve. Ce récit, au contraire, nous appelle aujourd'hui à aimer très concrètement, à nous faire proches de ceux que les imprévus de l'existence mettent sur notre chemin.

"Va et fais de même". Nous sommes donc invités à imiter le samaritain, pour qui tout homme, toute femme, tout enfant qui souffre, a droit à notre compassion humaine. La préoccupation de l'homme passe avant toute catégorie de pureté, de péché, avant toute appartenance à un milieu social, religeux ou culturel, sans considération aucune de mérites ou de préséance.

"Va et fais de mëme". nous dit Jésus. Comme le Samaritain qui continue son voyage, n'exige rien de celui que tu as aidé ou remis debout, aucune reconnaissance, aucun merci. Trop souvent dans la charité dite chrétienne, nous demandons que ceux que nous asistons nous soient reconnaissants, nous exigeons souvent qu'ils utilisent, selon nos critères ou nos souhaits, les avantages que notre aide leur a procurés. Selon l'esprit de l'évangile, notre dévouement et notre amour pour celui dont nous nous sommes volontairement approché, devra toujours le laisser libre et autonome. Ainsi donc comme le samaritain, acceptons de le confier à l'aubergiste, de passer le relais à d'autres, sans maintenir aucun lien de dépendance ou exiger quelque reconnaissance. La charité n'est pas seulement une affaire personnelle, individuelle, elle s'insère dans une collectivité et plus spécialement dans une communauté chrétienne.

C'est dans ce sens que Jésus dit encore à chacune et chacun d'entre nous : "Va, et toi aussi, fais de même."

4e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Noël, c'est une naissance ! Pour nous y préparer, la liturgie nous présente aujourd'hui la rencontre de deux femmes qui sont enceintes, sans doute d'une manière exceptionnelle. Mais de quoi peuvent parler deux femmes qui ainsi attendent famille, si ce n'est de l'évènement qui les concerne : l'enfant que chacune porte en elle, les sensations qu'elles éprouvent et surtout le prochain moment où elles le mettront au monde ! Chacune, avec sans doute une certaine crainte, s'éveille à ce qui va venir, au futur accouchement. C'est déjà un grand bonheur d'en parler !

C'est dans ce style affectueux et familier que nous pouvons découvrir en premier lieu l'épisode de la Visitation que Luc nous présente dans son évangile de l'enfance. Il faudrait nous garder d'en donner une interprétation moralisante, comme on le fait habituellement pour inviter les chrétiens à rencontrer leurs frères et soeurs et à être serviables, selon le bon exemple de Marie. Ce récit est porteur d'une réalité bien plus profonde. Il est porteur d'une théologie.

En effet, dans l'antiquité, à personnage célèbre on a coutume de fabriquer une origine et une naissance exceptionnelle. L'auteur sacré a suivi cette coutume. Il n'a pas d'abord cherché à nous rapporter l'historicité des faits. Il s'est efforcé plutôt de traduire pour nous sa foi en Jésus, Messie promis et attendu depuis des siècles et Fils de Dieu dès le premier instant de sa conception ! Tout l'Evangile de l'enfance, qui fut plus tard placé en tête de l'évangile de Luc, est donc une "profession de foi" des premières communautés chrétiennes en la filiation divine de Jésus.

Vous vous rappelez comme moi les Litanies de la Sainte Vierge, récitées souvent à la suite du chapelet. C'est une série impressionnante de vocables par lesquels nous nous adressons à Marie, en lui demandant de prier pour nous. Parmi ces invocations, il y a celle-ci : "Arche d'Alliance". Je me suis souvent demandé que pouvait bien signifier ce titre, appliqué à la Sainte Vierge. En regardant de plus près, j'ai constaté que le récit de la visitation était tissé d'allusions au transfert de l'Arche à Jérusalem par le roi David. L'Arche était ce coffret de bois précieux, muni de barres dorées pour le transporter, et qui contenait les tables de la Loi. Dieu lui-même avait donné ses commandements à Moïse qui les avait gravés sur des tables de pierre. Par le don de ces préceptes, Dieu faisait alliance avec son peuple. Celui-ci s'était solennellement engagé à les observer. L'Arche contenait donc le témoignage de l'Alliance sacrée entre Dieu et Israël. Sur le couvercle de ce coffre, il y avait deux chérubins, sorte d'anges avec des ailes, entre lesquels reposait l'Esprit de Dieu, sa présence en cet espace.

Pendant longtemps, l'Arche séjourna à Silo sous une tente, comme c'était le cas dans le désert après la rencontre avec Dieu au Sinaï. David résolut de la ramener à Jérusalem pour la placer sur la colline de Sion. Au second livre de Samuel, on nous raconte que "David se leva et partit pour Baala en Juda pour en faire monter l'Arche de Dieu". Dans la visitation, nous avons vu que "Marie se leva et partit dans la montagne vers une ville de Juda". En peu plus loin, l'Arche monte en procession vers Jérusalem et on s'arrête à Edom dans la maison d'Aved. Celui-ci s'écrie : "Comment l'arche du Seigneur entre chez moi ?". Dans la visitation, c'est Elisabeth qui s'étonne :"Comment ai-je cet honneur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu'à moi ?" Ajoutons encore un autre rapprochement : la joie du peuple hébreu et celle de David dansant devant l'arche mise en parallèle avec celle d'Elisabeth et de Jean-Baptiste à l'approche de Marie. Notons également que l'Arche, montant à Jérusalem, s'arrête dans la maison d'Aved à Edom et y reste trois mois, comme Marie entre dans la maison de Zacharie et y reste trois mois. Il y a manifestement un rapprochement littéraire entre les deux récits. L'auteur de la visitation a sans doute voulu marquer la continuité qui existe entre l'ancienne alliance et celle que le Messie Jésus va inaugurer. Ainsi la montée vers Jérusalem de l'Arche qui contenait les paroles de la Loi, trouve la plénitude de sa signification lorsque Marie, nouvelle Arche, portant en elle le Verbe fait chair, va vers la Judée dans la maison du prêtre Zacharie, celui qui officia dans le Temple. L'aboutissement s'accomplira parfaitement lorsque Jésus montera vers Jérusalem pour y être "élevé", sa mère se trouvant alors au pied de la croix.. Nous pouvons encore aller plus loin dans ce parrallèle entre l'ancienne et la nouvelle Alliance. Marie qui porte le Christ est aussi figure de l'Eglise, porteuse de la Bonne Nouvelle de Dieu ! Or, comment Marie est-elle Arche d'Alliance ? Comment est-elle porteuse du Seigneur de l'univers ? Elisabeth nous en donne la réponse :"Heureuse celle qui a cru en l'accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur !". De la même manière, c'est la foi en l'accomplissement des promesses qui fait de l'Eglise le peuple porteur de la Parole d'Alliance nouvelle. Nous qui sommes l'Eglise aujourd'hui, ne sommes-nous pas par notre foi porteurs du message d'amour et d'alliance de notre Dieu pour notre monde ? Elisabeth, Marie : l'ancienne alliance rencontre la nouvelle. Jean-Baptiste et Jésus : l'ancienne alliance rend louange à la nouvelle. Comment ai-je ce bonheur s'écrie Elisabeth ? Ce bonheur peut toujours être le nôtre en ce dimanche de l'avent où nous nous éveillons à ce qui vient, à la venue prochaine d'un enfant, le Fils de Dieu !

26e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Il était une fois... un jour où il faisait effroyablement froid ; il neigeait depuis le matin. Le soir approchait, le soir du dernier jour de l'année. Au milieu des rafales, par ce froid glacial, une pauvre petite fille marchait dans la rue ; elle n'avait rien sur la tête, elle était pieds nus. Les pieds de la pauvre enfant étaient devenus rouges et insensibles. Elle portait des allumettes qu'elle protégeait dans son vieux tablier. Personne hélas ne s'arrêtait pour considérer l'air suppliant de la petite. La journée finissait, et elle n'avait pas encore vendu un seul paquet d'allumettes ; personne ne lui avait fait l'aumône de la moindre pièce de monnaie. Tremblante de froid et de faim, elle se traînait de rue en rue ; elle était l'image même du malheur et du désespoir. De chaque maison, sortait l'odeur de la dinde qui cuit et les lumières de la fête. Elle aperçoit un recoin, où elle s'assied et se blottit cachant ses pauvres pieds sous sa jupe ; elle grelotte et frissonne de plus en plus. L'enfant sentant ses mains geler peu à peu, décide d'allumer une allumette. Quelle flamme merveilleuse. La première flamme l'a fait rêver d'un grand poêle bien chaud, la deuxième d'un repas festif, puis un sapin lumineux et enfin sa grand-mère qu'elle aimait tant. A cette dernière, elle supplie : "grand-mère, emmène moi". Touchée par la supplication de sa petite fille, la grand mère prend la petite dans ses bras et , s'élançant dans les airs, elle la porte bien haut, bien haut, en un lieu où il n'y a plus ni le froid, ni la faim, ni le chagrin ; c'est devant le trône de Dieu. Le matin, des passants ont trouvé le corps de la petite ; elle était morte de froid, pendant la nuit. Ils ignoraient que si, elle avait bien souffert durant sa trop courte vie, elle goûtait maintenant dans les bras de sa grand-mère le plus doux des bonheurs.

N'est-il pas merveilleux de découvrir que le conte d'Andersen "la petite fille aux allumettes" a quelques ressemblances avec l'homme riche de l'évangile. Vous ayant parlé de Dieu et l'Argent la semaine passée, en vous rappelant que l'objectif de l'argent c'est de le transformer en Amour, je ne reviendrai pas sur ce thème-là. La question que nous nous sommes posée en préparant cette eucharistie est la suivante : mais qu'est-ce qu'on lui reproche à ce riche ? D'autant que l'un d'entre eux, derrière moi, disait, on est tous des bourgeois à Rixensart, même toi. Comme quoi, je reçois aussi des claques en préparant cette liturgie. Pourtant au-delà de cette remarque, l'homme riche n'avait rien fait de mal. Il vivait dans sa maison, il s'habillait assez chicos, c'est vrai. Ses vêtements coûtaient plus ou moins deux mille francs belges de cette époque, alors que le salaire journalier d'un ouvrier était de deux francs belges. Mille jours de travail d'un homme pour le coût des vêtements d'un autre. Il y a comme un scandale qui crie vengeance au Ciel. Il fêtait également tous les jours. Il dépensait donc beaucoup, un peu trop sans doute. Mais est-ce un péché ? En effet, il vivait et ne faisait rien de mal : on ne parle pas d'exploitation d'esclaves, de brimades injustes. Non, sa maison était cossue, il semblait heureux, fréquentait les gens de son milieu : cherchez l'erreur.

Il ne faisait rien de mal, c'est vrai. Pire encore, il ne faisait rien du tout. Et nous voici au coeur du problème. L'homme riche s'était enfermé dans son petit monde à lui, il l'avait peut-être même un peu verrouillé. Il acceptait tout simplement que Lazare fasse partie du paysage, simplement comme les quelques mauvaises herbes éparpillés dans sa pelouse, il lui semblait tout à fait naturel voire inévitable que Lazare puisse vivre en souffrant et en ayant faim alors que lui se complaisait, se vautrait dans ses richesses matérielles. L'homme riche était capable de porter un regard rapide sur la misère du monde sans s'émouvoir. Il ne fit rien pour changer tout cela. Voilà la raison qui le conduisit en enfer : il n'avait rien fait de mal, c'est vrai. C'était encore pire, il n'avait rien fait du tout. Son drame était la cécité du coeur. Cet aveuglement peut nous menacer quand nous nous enfermons dans notre petit confort intérieur. Les "on n'avait pas vu, on ne s'en était pas rendu compte", n'ont pas de place au Royaume de Dieu.

L'homme riche voulut alors éviter un condamnation éternelle en envoyant un messager à ses frères. La réponse est cinglante : si vous voulez des signes, lisez et vivez de la Parole, il n'y a rien de plus extraordinaires que Celle-ci. L'évangile de ce soir, nous invite alors à oser nous poser la question suivante : ma Bible est-elle déjà suffisamment feuilletée, usée ? Et si vous cherchez les prophètes, regardez dans les yeux de votre prochain. Amen.

4e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

"Je suis le Bon Pasteur"

Berger, pasteur, brebis, ce sont des termes qui évoquent pour nous des images de scènes champêtres, colorées souvent de poésie douce et facile. Mais quand ces qualités sont attribuées à Jésus, il s'agit plus tôt d'un combat. Car, lorsqu'il prononce ces paroles : "Je suis le Bon Pasteur" les forces hostiles sont déjà en action pour le mener à la mort sur la Croix.

Le texte que nous venons de lire est fort court et pourtant il résume assez bien la pensée de l'évangéliste Jean sur Jésus, sa mission et sa relation à Dieu son Père.

Puisqu'il va être livré aux mains des juifs, Jésus, le bon pasteur doit veiller à ce que les brebis, c'est-à-dire ses disciples, ne périssent pas . Il doit veiller à ce qu'elles ne lui soient pas arrachées des mains. Au moment de l'arrestation du Maître à Gethsémani, l'évangile de Jean nous montre le Christ allant au devant de ceux qui viennent l'arrêter. Il les interpelle en leur criant :"Qui cherchez-vous ?" "Si c'est moi que vous cherchez, ceux-ci laissez les aller". Pour Jésus, il ne faut pas que les apôtres périssent avec lui. Il compte sur eux pour reprendre sa cause après sa mort. Aussi donne-t-il librement sa vie pour eux.

A l'inverse des mercenaires, il va se dessaisir de sa propre vie. Le mercenaire, celui qui n'est pas vraiment le berger et à qui les brebis n'appartiennent pas, voit-il venir le loup, il abandonne les brebis et prend la fuite.. Le loup s'en empare alors et les disperse.

A la croix, Jésus se dessaisit de sa vie pour les tous les humains. Il n'a pas pris la fuite. Il a été jusqu'au bout. Jésus est passé par la mort pour nous donner son Esprit et pour rassembler tous les enfants de Dieu dispersés. C'est pourquoi il est le seul vrai pasteur. Il est le seul à pouvoir porter le titre de bon, parce qu'il donne la "vie éternelle". C'est seulement à la lumière de Pâques que s'éclaire le titre que Jésus se donne.

"Mes brebis écoutent ma voix et je les connais" Pour un juif, l'expression "connaître" déborde le savoir abstrait et exprime une relation profonde. Connaître une chose, c'est en avoir l'expérience concrète. Connaître quelqu'un , c'est entrer en relation personnelle avec lui.

Jésus est celui qui vient parler au nom de Dieu. Sa mission est de révéler aux hommes tout l'amour que Dieu a pour eux. Toujours dans la passion selon S. Jean, nous entendons Jésus déclarer devant Pilate : "Je suis né, je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la Vérité".

Les brebis, c'est-à-dire les disciples, écoutent Jésus Mais déjà pour l'écouter, il faut être de Dieu. C'est pourquoi le Christ considère ses apôtres et ses disciples comme un don du Père. "Mon Père, qui me les a données" est-il dit dans le texte de l'évangile de ce jour. C'est l'idée force de Jean : devant Jésus, les hommes se séparent en deux groupes, ceux qui l'écoutent et ceux qui le rejettent. Les premiers peuvent écouter de par le Père et forment ainsi le troupeau. Au moment de la croix, Jésus achève sa mission et apporte la vie à ceux qui le suivent.

Enfin, l'évangéliste est particulièrement sensible à montrer tous les liens unissant Jésus à son Père. D'ailleurs son intention n'est-elle pas de nous amener à croire que Jésus est vraiment fils de Dieu. Le Père et moi, nous sommes UN.

4e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Il y a une dizaine de jours, un animateur de mouvements de jeunesse de Rixensart posait la question suivante à son staff : « pourquoi continuons-nous à venir presque tous les samedis à 14 heures aux mouvements de jeunesse alors que les jeunes que nous animons nous engueulent et ne sont jamais contents ? ». C'est vrai pourquoi continuer quelque chose alors que nous en retirons très peu de gratitude, de reconnaissance. Est-ce la peur de s'ennuyer le samedi après-midi, un plaisir masochiste dissimulé sous une bonne action. Non, il doit, enfin je l'espère, il y avoir autre chose. « Si nous venons ici constata cet animateur, c'est parce que c'est quelque chose de bien ».

Cette réflexion, me semble-t-il, peut être transposée à nos eucharisties dominicales. Nous y venons, par habitude, par conviction personnelle, par besoin de ressourcement, pour prendre un peu de temps avec soi et avec Dieu. Certains dimanches, nous nous y sentons bien, les lectures nous parlent, nous interpellent et puis d'autres fois, en sortant, nous ne nous rappelons même plus de l'évangile et encore moins de la prédication, durant tout le temps de la célébration, nous étions ailleurs, dans notre ailleurs, c'est-à-dire au plus profond de nos pensées soit à la rencontre de Dieu, soit nourries de préoccupations humaines. Et c'est la vie, tout simplement la vie. Elle est d'autant plus étonnante qu'il nous arrive parfois d'entendre un texte biblique comme si c'était pour la première fois, comme s'il venait d'être écrit. En effet, nous dit le Christ ce soir, mes brebis écoutent ma voix. Nous sommes ses brebis et la manière dont nous écoutons sa voix varie de personne à personne. Notre écoute qu'elle soit celle de Dieu ou celle de nos proches, dépend de multiples facteurs : notre histoire personnelle, nos problèmes et nos joies... Il nous arrive d'entendre et de faire le sourd. Le texte révélé se découvre à nous lors de nos lectures de manière nouvelle, fraîche en fonction de là où nous en sommes dans notre propre vie. A chacune et chacun de le recevoir dans le silence de son coeur, de le méditer pour pouvoir continuer à grandir sur notre propre chemin de vie.

Se serait évidemment fortement réducteur de ne voir l'écoute de Dieu qu'à partir des écritures. D'ailleurs le Christ ne dit pas cela. Il dit simplement : mes brebis écoutent ma voix ; moi je les connais, et elles me suivent. La voix de Dieu s'exprime à nous aujourd'hui encore de multiples manières. Cette voix ne s'est pas éteinte avec le temps. Elle est peut-être plus difficile à entendre dans notre société polluée par le bruit et l'empressement. En effet, la voix de Dieu s'exprime dans la brise légère, elle ne crie pas, elle susurre au creux de nous-mêmes. Et pour pouvoir l'entendre, il nous faut arrêter notre cinéma intérieur. Cette voix divine se laisse rencontrer lorsque nous reprenons le contact avec elle mais elle surgit également là où nous nous y attendons le moins. Dieu continue de nous parler, à travers de multiples signes, à travers de multiples rencontres. A nous de les déceler et de les nommer.

Reconnaître et nommer la voix de Dieu, c'est oser dire, « ici, je crois que Dieu est présent. Je ressens quelque chose qui me dépasse et me fait du bien ». Et ça, c'est un sacrement. C'est vrai, l'Eglise reconnaît aujourd'hui au moins 7 sacrements, mais des sacrements, au sens où ils sont des signes visibles de la présence de Dieu, il y en a non pas 7, dix ou cent mais des millions. Ils parsèment nos vies dans ce que nous faisons et lorsque nous aimons. Ecouter la voix de Dieu, c'est prendre conscience de cette présence et oser la reconnaître. Lorsque les événements de nos vies sont sacramentels, signes visibles de le présence divine, Dieu nous invite à le suivre, à répondre à son invitation. Et si ce soir (matin), nous faisions tout simplement silence en nous pour écouter la voix de Dieu et se mettre à le suivre.

Amen.

Sainte Famille, année C

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Joseph, Marie et Jésus, un type de famille dont on rêverait bien comme d'un idéal. Des parents qui s'entendent et un enfant bien sage. Personnes humbles et pieuses, fidèles aux traditions, qui, comme chaque année, vont en pèlerinage jusqu'à Jérusalem, pour la fête de la Pâque. Alors que, de nos jours, tant de couples se disloquent, tant de jeunes s'en vont, comment ne pas choisir cette famille comme modèle ?

Cette année, pour célébrer la Sainte Famille, la liturgie propose à notre méditation la scène du recouvrement de Jésus dans le Temple à l'âge de douze ans. L'escapade de Jésus adolescent et la réponse frondeuse à sa mère ont sans doute un côté sympathique. Comme tous les jeunes au sortir de l'enfance, Jésus manifesterait une première velléité d'indépendance par rapport à ses parents. Mais, après cette parenthèse, il est rentré bien sagement avec eux à Nazareth et il leur était soumis. Jésus a donc pu grandir et se développer humainement dans l'atmosphère harmonieuse d'une famille parfaite !

On peut vraiment se demander si c'est vraiment l'intention de l'auteur sacré de nous présenter ainsi la Sainte Famille ? Cet épisode est d'ailleurs le dernier récit de ce qu'il est convenu d'appeler "l'évangile de l'Enfance", ces deux chapitres placés plus tard au début de l'évangile de Luc. IL me semble que cette scène doit être plutôt comprise dans la perspective de la résurrection du Seigneur ! Les parents, nous dit-on, emmènent avec eux à Jérusalem leur enfant de douzeµ ans. Et voilà qu'ils le perdent. Ils se mettent à le "chercher", pendant trois jours et bien qu'ils le trouvent enfin dans le Temple, ils ne comprennent pas que Jésus est "chez son Père". En réalité, ce ne sont pas les parents qui apprennent où doit être Jésus, "Ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait", mais c'est le lecteur de l'évangile qui acquiert un savoir. En effet, par le biais de ce récit, il apprend que le véritable lieu où il faut maintenant chercher Jésus c'est "chez son Père".

L'histoire ne nous transmet aucune des questions posées par l'enfant aux maîtres de la Loi, ni aucune de ses réponses. Mais elle souligne l'intelligence de l'enfant qui connaît et comprend la Loi. Elle est sans doute inspirée par la figure du jeune Samuel, qui avait douze ans lorsque ses parents le laissèrent au temple de Silo où il reçut bientôt le don de prophétie et où l'on vantait son intelligence.

La seule parole rapportée ici et la première de toutes celles qu'il a prononcées, est précisément l'indication du lieu où l'on peut désormais le trouver, parole d'ailleurs incompréhensible pour Marie et Joseph : "Ne le saviez-vous pas ? C'est chez mon Père que je dois être." Cette révélation du Christ semble ainsi plus importante que le Temple et la Loi.

Nous pouvons aussi relever dans ce récit des allusions fréquentes au thème de la passion et de la résurrection. Quelques détails de cette histoire font penser à ce que Jésus fera plus tard. Ainsi la montée en pèlerinage vers la ville sainte évoque la Pâque du Seigneur : "comme arrivait le temps où il allait être enlevé du monde, Jésus prit résolument la route de Jérusalem". Jésus perdu enfant, est retrouvé au bout de trois jours, comme il sera plongé trois jours dans la mort. La réponse faite à ses parents trouve un écho en celui adressé aux femmes, le matin de Pâques :"Pourquoi cherchez-vous parmi les morts, celui qui est vivant ?" Et dans l'évangile de Luc, la première parole de Jésus, mais aussi la dernière, est pour parler de son Père d'auprès duquel il enverra son Esprit. A la manière d'un écrin mettant en valeur un joyau, bien des éléments du récit du recouvrement ont pour fonction de souligner la parole du Christ : "Il me faut être chez mon Père".

Pour parvenir à la confession de foi en Jésus, Fils de Dieu, les évènements de Pâques sont nécessaires. On ne peut comprendre aujourd'hui qui est Jésus sans l'expérience pascale. Le sens profond du recouvrement s'éclaire donc à la lumière de Pâques, passage de Jésus vers son Père. Seul Pâques révèlera que pour Jésus "être chez son Père", c'est par sa passion et sa mort entrer dans la gloire divine.

Ainsi, si Jésus est déclaré Fils de Dieu par sa résurrection, nous voyons que la foi de la communauté chrétienne primitive affirme clairement qu'il l'est déjà dès son enfance et même dès le premier instant de sa conception, comme le montre l'épisode de l'Annonciation. Cette foi des premiers chrétiens est aussi la nôtre. Jésus est Fils de Dieu, durant son enfance autant que tout au long de sa vie humaine. Maintenant qu'il est ressuscité chez son Père, il nous donne son Esprit pour nous permettre de continuer à construire le Royaume qu'il est venu inaugurer.

Aujourd'hui, alors que nous célébrons la famille de Nazareth, c'est aussi dimanche, Jour du Seigneur, jour de la résurrection. Nous trouvons donc Jésus chez son Père, tandis qu'avec l'aide de son Esprit nous nous attachons à vivre mieux son Evangile dans les familles et les communautés humaines auxquelles nous appartenons.

17e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

REGARDS SUR JESUS.

La prière de Jésus.

C'est sa prière personnelle que Jésus enseigne à ses amis. Pour que les chrétiens prient comme Jésus, regardons ensemble sa prière.

« Un jour, quelque part, Jésus était en prière. » C'est ainsi que Luc aime souligner la fréquence de la prière de Jésus, l'importance pour lui de prier aux moments importants de son existence. C'est comme s'il s'agissait d'une habitude, d'un comportement naturel.

Il a vécu à tous les moments de sa vie le mouvement de confiance et d'abandon en celui qu'il appelait « père ». L'intimité immédiate avec Dieu le conduisit au désir violent de le faire connaître et aimer par ses frères les hommes. D'inviter ceux-ci à demander l'essentiel : le pain, le pardon et la liberté.

Il a pu s'en remettre à Dieu, mais sans se démettre de ses responsabilités de travailler au changement du monde, en nourrissant les foules, en pardonnant et donnant ainsi une nouvelle chance, en libérant les prisonniers d'eux-mêmes ou des préjugés.

Il nous fait entrer dans l'élan de sa prière car il le Fils qui s'adresse à Dieu mais bien sûr avec des mots humains. Jésus est un « maître à prier ». Les disciples en sont persuadés qui viennent lui demander de le leur apprendre, comme Jean-Baptiste l'avait fait pour les siens.

REGARDS SUR NOTRE VIE.

Prier, est-ce bien nécessaire ? N'est-ce pas perdre son temps ? D'abord, je prie et je ne suis pas nécessairement toujours exaucé. Et puis il y a peut-être mieux à faire. Ouvrir tout grand les bras aux enfants, aux petits.

Accueillir l'étranger et faire place au malade. Lutter pour la justice et aider son voisin. S'engager au service de ceux que l'on rejette. Je ne suis pas prêt à dire comme les apôtres : « Apprends-nous à prier ».

En regardant Jésus, je comprends que prier et demander ce n'est pas attirer mon Dieu, attendre des miracles et des consolations. C'est d'abord admettre ma fragilité et autant que celle des autres, notre fragilité commune. C'est surtout apprendre à regarder les hommes comme Dieu les regarde, chercher un nouveau souffle pour poursuivre le combat au service de tous ceux qu'il aime avec passion. Rien de ce qui nous intéresse n'est étranger à Dieu et rien de ce qui intéresse Dieu ne devrait nous être étranger. Prier à la suite de Jésus, ce sera donc prendre le temps de vérifier si ce qui a de l'importance pour Dieu en a aussi pour nous. Quand nous disons : « Que ton nom soit connu de tous, que ton règne vienne » nos projets, nos entreprises sont-ils proches du sien ?

Prier à la suite de Jésus, ce sera donc demander ce qui est important pour nous : le pain, le pardon, la liberté. C'est souhaiter adopter toujours plus un comportement familial avec tous. C'est en famille qu'on partage la nourriture quotidienne et le pain, c'est en famille qu'il faut savoir pardonner pour maintenir l'amour et l'entente, c'est en famille qu'il faut apprendre l'autonomie de chacun dans le respect de sa liberté et de son épanouissement. Or nous sommes de la famille de Dieu ! Enfants d'un même Père, nous avons besoin de partager, de nous réconcilier, de vivre en liberté tout en respectant celle des autres.

Prier à la suite de Jésus, c'est m'adresser à Dieu avec mes soucis quotidiens, en n'ayant pas peur d'être parfois casse-pieds. Il n'y a pas à craindre d'être importun. C'est à force de demander que grandit le désir et que s'affirme la confiance en quelqu'un. Il n'y a pas à craindre d'être sans-gêne ou trop familier, car - nous dit Jésus- le c½ur de Dieu est plus humain que tous les c½urs des pères de ce monde. « Frappez, cherchez, demandez » Est-ce à dire que Dieu va changer le cours du monde ? La prière n'a pas pour but de convertir Dieu à notre manière de voir : c'est nous qu'elle convertit, c'est notre c½ur qu'elle change.

Dans un de ses romans, Agatha Christie donne une excellente définition de la bigote : « Madame passait chaque jour une heure à l'église pour expliquer à Dieu comment les choses devaient être faites pour être bien faites. » Si nous prions ainsi, nous ne pouvons être exaucés. Mais si nous nous engageons dans un échange c½ur à c½ur avec Dieu, il nous fera entrer petit à petit dans sa manière de voir, sans son Esprit. « Combien plus le Père céleste donnera-t-il l'Esprit Saint à ceux qui le lui demandent » Nous serons donc prêts à voir les choses autrement, à lutter nous même pour changer les situations de mal.